L’historique de la commune se décompose en plusieurs parties.

Entrez avec nous dans l’histoire :

Cette présentation s’appuie sur les écrits de Marcel DORIGNY, fidèle chroniqueur de l’histoire aiglemontaise.
Bibliographie : Quatre villages à travers les siècles paru en 1951, rééditer par ALICIA (renseignements : 03-24-57-38-17)

L’origine du nom de notre village

Ce n’est certainement pas le mont de l’aigle, explication simpliste de la forme moderne du mot. Elle servit d’ailleurs aux soldats allemands installés à Jallois entre 1915 et 1918 à marquer leur présence. Ils inscrivirent sur une borne, après le nom de leur unité, Adlersberg (littéralement colline de l’aigle) qui dans leurs esprits prend une double dimension : le lieu et surtout l’emblème de l’aigle impérial.

Il faut plutôt chercher avant 1718, date d’apparition d’Aiglemont dans les textes. En fait, la trace la plus lointaine connue est un écrit d’avril 1256 (La charte d’Ida). Encore qu’il soit question d’Eslemont. Mais au fil des années, l’orthographe évolue, elemont, alemont, elmont, ellemont, ailmont, ailemont avec ou sans t final, avec ou sans majuscule, et ce jusqu’au XVIII ème siècle. C’est ce qu’on trouve dans les actes paroissiaux, mais on emploie pour les écrits officiels eslemont, l’ancienne forme datant du XIII ème siècle. Parallèlement on use, au Moyen-Age du terme Aguilo Monte (1291). A la fin du XVI ème siècle, sur l’acte de fondation du village (1582), on trouve Ayglemont voisinant avec Ailemont.

Il semble que tous ces noms tournent autour d’un point commun : l’eau. Le mot latin aqua a donné aigue en ancien français (l’aiguière est une cruche d’eau). En celtique le radical ev, s’est transformé à l’époque romaine en es, ez ou même aa. Aigue-le-mont ou es-le-mont, le mont de l’eau, moyennant quelques aménagements d’orthographe répond à la réalité géographique de notre village. Haut perché sur la colline, il est situé sur un véritable réservoir d’eau.

Aujourd’hui Aiglemont est unique en France, et on ne retrouve pas d’Elmon(t), ni d’Ellemon(t), pas plus que d’Elemon(t), Eslemont ou Ail(e)mont. Il existe cependant Almont (les Junies) en Aveyron, (Cuisy en) Almont dans l’Aisne et Allemont dans l’Isère.

Manicourt, un village disparu

« C’étaient quatre villages pour traverser le temps. Un seul encore nous reste pour raconter comment les autres disparurent dans le feu et le sang, ou dans l’oubli, tout simplement. »

Le quartier du Fond de l’Epine a un passé. Jusqu’au Vème siècle, des villas gallo-romaines s’y trouvaient. Des vestiges furent découvert au XIXème siècle et plus tard en 1931. Ruines, pièces de monnaie, poteries, bijoux… indiquaient la présence d’habitations. Après le déclin de l’empire romain, les Barbares y étant pour beaucoup, on ne sait si l’endroit a été habité. Mais sous le règne de Charlemagne, les quelques fermes construites au début de l’ère médiévale se multiplient et Manicourt devient un village important.

Ce développement pourrait s’expliquer par la déportation des Saxons faits prisonniers lors de la 3ème guerre de Saxe, au XIIIème siècle. D’ailleurs, l’origine du mot Manicourt accrédite cette thèse. « Mani » vient du terme manil ou ménil, ferme de faible importance au Moyen-Age. Il est accolé au suffixe « court » dérivé du roman curtis, habitation de maître avec terres indépendantes. Le rapprochement des deux expressions ayant une signification presque identique, peut vouloir signifier « petite ferme exploitée par un colon ». A noter qu’un écart de Nouvion-sur-Meuse porte le nom de Manicourt. Le village de Manicourt est cité dans une charte du 20 septembre 1264 :  » Manicourt delex Champeaux… » (Trésor des Chartes du Comté de Rethel).

Au fil du temps, le village s’étend encore. Déjà au IXème siècle, on compte deux groupes d’habitations. Le premier entre la fontaine de Tanimont et la route de Charleville, l’autre plus important, au Grenet, c’est-à-dire à l’entrée du Fond de l’Epine. La terre fertile, les prés riches en fourrage et la forêt toute proche, contribuèrent au développement du village jusqu’au XVIème siècle.

Les habitants, essentiellement une population rurale, dépassaient vraisemblablement en nombre ceux des hameaux environnants. Les maisons étaient faites de murs solides, en pierres ou blocs de chaux liés par du ciment blanc très dur. Des briques peu épaisses étaient aussi employées.

Pourtant, cette relative prospérité, aura une fin brutale…

Champeau, le berceau du culte de St Quentin

« Village apparu au milieu des champs
Livre nous tes secrets d’antan,
Fais ressurgir sorciers, devins, écoutés ou craints
Toi Champeau, le berceau du culte de Saint-Quentin ». Au pied de la colline de notre village, à une centaine de mètres de l’ancienne gare, des vestiges d’un petit bâtiment sont encore (difficilement) visibles. Les ruines de la chapelle de St Quentin, entourées par l’ancien cimetière, marquent l’emplacement d’une bâtisse plus importante édifiée au XIIème siècle à la place d’un premier oratoire. »

Mais comment expliquer l’existence d’un village à cet endroit ?

L’origine du nom du village est simple : Champeau est un petit champ. Bien souvent, quelques habitations apparaissent au milieu des champs, elles forment un village de champeaux. A noter que notre village a perdu le x final, contrairement aux autres Champeaux existant en France (sauf Champeau en Côte-d’Or).

De l’autre côté de la voie ferrée, face au cimetière se trouve le Gué des Romains. M. Dorigny émet l’hypothèse d’un franchissement de la Meuse par une voie romaine secondaire reliant deux grandes artères, Reims – Trèves et Reims – Cologne. Mme Périn dans un article paru en 1969 parle d’une possibilité de passage. Toujours est-il que le gué a existé et qu’il a certainement contribué à l’apparition des premières maisons.

L’évangélisation des Ardennes par les premiers missionnaires empruntant les voies romaines a aussi joué un rôle dans la création du village. Commencée vers le Vème siècle dans la partie centrale du département, elle n’atteint l’orée de la forêt qu’à la fin du VIème siècle, période d’arrivée de prêtres calabrais qui s’installent près de Braux. Malgré la mise à mort des derniers druides, les rites subsistent et une mythologie nouvelle se développe : monstres, sorciers et devins sont craints ou écoutés. C’est dans ce contexte que les prêtres entreprennent de transformer le paganisme. Ils construisent des petits oratoires, dont celui de Champeau.

C’est bien autour de l’oratoire que le village s’est développé, limité par le Terme Champeau et Champeauchin.

Les découvertes en 1901 et 1941, soubassements de briques ou de pierres, prouvent que quelques maisons, sans doute en bois et torchis sont sorties de terre vraisemblablement à la fin du VIème ou au début du VIIème siècle.

« Il en aura fallu bien des tourments durant ces siècles passés,
Pour que ce village retrouve enfin son rattachement paroissial.
Il pouvait en être fier de sa petite chapelle vicariale
A qui le vocable de Saint Quentin fut par l’évêque accordé »

Le rattachement paroissial de Champeau a évolué au cours des temps. A l’époque mérovingienne, le village est rattaché à la paroisse d’Arches. Vers 860, elle est donnée à Francon, évêque de Liège, mais reste dépendante spirituellement de l’archevêché de Reims par son appartenance politique au royaume de Lotharingie. A la mort de Lothaire II en 869, le royaume est partagé entre Louis le Germanique et Charles le Chauve. Champeau et Manicourt, situés sur la rive droite de la Meuse, sont alors inféodés au Saint Empire Romain Germanique (comté d’Orchimont). Mais le rattachement spirituel reste Reims, et Francon doit abandonner son emprise temporelle sur les villages de la rive droite. Situation pour le moins originale, puisque les bénéfices ecclésiastiques ne relèvent pas de la couronne mais de l’empire, donc non soumis aux décimes que les papes concèdent aux rois de France.

Fin IXème siècle, Hincmar, l’archevêque de Reims, détache Champeau de la paroisse d’Arches pour le confier au chapitre de Braux. Le vocable de Saint Quentin est donné à la chapelle dès le IXème siècle, puisque Foulques le Vénérable, successeur d’Hincmar, écrit dans sa charte en faveur de la collégiale de Braux : capellam Sancti Quintini Campelli (la chapelle de Saint Quentin de Champeau). On retrouve les mêmes termes dans le vidimus de l’archevêque Juhelle de Mathefelon (1249).

La petite chapelle vicariale est remplacée au XIIème siècle par une église, financée en grande partie par les seigneurs de Gély. Elle desservait les villages d’Ellemont, de Manicourt et de Gély dont nous parlerons bientôt.

Gely, le village et le château

Au XIIème siècle, l’église de Champeau fut en grande partie financée par les seigneurs de Gély. Un chemin au nord-est de la chapelle monte dans les bois et rejoint les lieux-dits Vieux et Jeune Gély, à la limite nord du territoire. Il est difficile de dater la construction du château qui s’y trouvait, mais il possédait une assise et des caves en pierres. Les premiers châteaux de ce type datent du Xème siècle, les précédents étant en bois comme ceux de Macéria (Mézières) ou Wart (Warcq). Nous n’avons pas plus de détails sur le nom du premier bâtisseur. Etait-ce un bandit comme à Lumes ou Linchamps ? Lui et ses descendants n’ont pas laissé de trace. Ils ne dépendaient sans doute d’aucun souverain.

Un village s’est constitué autour de ce château. Il ne fut guère important, une cinquantaine d’habitants. Ceux-ci assistaient aux offices à l’église de Champeau. Cependant le curé de Gespunsart, de qui dépendait Gély, cessa de percevoir sa redevance au XVIIème siècle: les habitants partirent vraisemblablement du village vers 1640. Le château a sans doute été détruit un siècle auparavant, en 1521 comme le propose Dom Noël, mais sans argument ou preuve. Les bois et les terres de Gély devinrent propriété de l’abbaye de Laval-Dieu au XVIIème siècle et affermés à un habitant d’Aiglemont. En 1770 les pierres des caves furent récupérées par le seigneur de Neufmanil pour construire les dépendances de son château.

La disparition des villages de Manicourt et de Champeau

Les villages de Manicourt et de Champeau, nous l’avons vu dans les chroniques précédentes, se sont développés jusqu’au début du XVIème siècle. Le dernier texte connu qui fait mention des deux villages est le registre de Noblet qui date de 1540. C’est vraisemblablement quelques années après cette date qu’ils disparurent. Dom Noël situe leurs destructions un peu avant (1521).

La première moitié du XVIème siècle a été marquée dans les environs de notre commune par des événements tragiques.

En 1521, Charles-Quint fait une incursion jusqu’à Mouzon pour punir Robert de La Marck, duc de Bouillon, de ses pillages. Il occupe ce village, et ses habitants se réfugient à Mézières défendu par Pierre du Terrail dit « le chevalier Bayard ». Le comte de Nassau, lieutenant de Charles-Quint décide de faire le siège de Mézières avec 35.000 hommes. Une ligne avancée passe au sud-est de Manicourt. Mais le siège de Mézières tourne court au bout de 6 semaines, après que Bayard ait employé la ruse en écrivant une fausse lettre.

Selon Dom Noël, les envahisseurs, privés de la mise à sac de la ville, se retournent contre les villages qu’ils traversent dans leur retraite vers la Picardie. Manicourt, qui a certainement « hébergé » des hommes de Franz de Sickingen, le second du comte de Nassau, est détruit par le feu. L’armée traverse la Meuse par le gué des Romains et dévaste vraisemblablement Champeau. Pillages et incendies se succèdent le long de la Sormonne, ils sont les traces du passage des hommes de Charles-Quint dans les Ardennes.

Il semble pourtant que l’église de Champeau a résisté au feu, puisque Noblet en parle dans son registre (1540). Etait-elle seule, meurtrie au milieu des ruines ou simplement intacte pour les chanoines, qui continuaient ainsi à percevoir la dîme? Les habitants des villages dévastés se regroupent à Ellemont et construisent une nouvelle église sur la colline (vers 1580).

Th. Pierret, puis A. Champeaux ont une version différente : les deux villages sont détruits vers 1560 par les Allemands cantonnés dans le château de Lumes livré par le seigneur de Buzancy.

1521 ou vers 1560, il est difficile de dater. Cependant, Champeau reste encore longtemps dans la mémoire de ses habitants, puisqu’ils enterrent leurs morts jusque 1879 et qu’ils bâtissent sur l’emplacement de l’église avec ses décombres, une petite chapelle dédiée à St.-Quentin. La date de cette construction n’est pas précise, même si la mention Vers 1634 a été gravée sur une pierre de la fenêtre nord. Cette inscription n’a sans doute pas été faite au XVIIème siècle, mais plus récemment.

Le quatrième village : Aiglemont

Sur la colline dominant la Meuse, il existe depuis longtemps des habitations dispersées. Avant le Xème siècle, la forêt commence à être défrichée par des paysans qui brûlent quelques arpents de bois pour pouvoir cultiver. Ce sont les sarts qui, quelquefois, portent le nom de leurs exploitants. Noyensart, le sart de Noyen (ou le nouveau sart) existe au nord du village. Pendant six ou sept siècles, chaque famille vit sur sa terre au milieu de son sart et tout près de son point d’eau. L’habitat est très dispersé. Des fermes étaient groupées dans la partie basse du village, d’autres à l’extrémité nord au lieu-dit Voye des Manils. Deux chemins sont encore existants, Voye des Manils haute et basse. Marcel DORIGNY parle d’une maison forte située au-dessous du second chemin et de maisons paysannes groupées à quelques dizaines de mètres autour d’une fontaine, Ferbu-Fontaine. Les familles se joignent aux habitants des villages de MANICOURT, CHAMPEAU, GÉLY et des maisons situées à la Warenne et au Pré de Courtil, pour assister aux offices dans l’église de CHAMPEAU.

La vérification de l’existence des maisons est difficile, voire impossible. De plus, l’exploitation des carrières de sable a détruit les vestiges de surface. Il ne reste que quelques structures de puits comme au Ligneul situé à 50 mètres au sud du calvaire, qui a suscité bien des interrogations et alimenté quelques rumeurs.

Marcel DORIGNY rapporte que cette cavité était connue depuis longtemps. Des carriers la bouchèrent en 1890. Les habitants prétendaient qu’il s’agissait d’un souterrain menant soit au château de Gély, soit à celui d’Aiglemont. En 1934, le mystère est levé par MM. BOURGAIN, Albert et Emile GUEURY et AVRIL. C’est bien un puits de ferme. Ils y retrouvent des vestiges d’une chaîne et d’un seau, ainsi que les débris de bois carbonisé, l’habitation a bien été incendiée. Quand? Difficile à dire, d’autant qu’ils découvrent également des ossements humains et d’animaux. Crime ou fait de guerre, le puits a gardé son secret à tout jamais.

Nous avons vu qu’à partir du 10ème siècle, il existait sur la colline des petits groupes d’habitations. Jusqu’à la fin du 14ème siècle, la situation n’évolue guère. Le début du 16ème siècle est marqué par des épidémies de peste. De plus la famine fait rage, l’année 1506 est épouvantable. Et la guerre n’arrange rien, le village souffre comme les autres des pillages et des destructions. Un plan de l’époque du siège de Mézières (1521), montre d’ailleurs l’emplacement des tranchées creusées par les habitants des alentours. Certaines défenses traversent les champs du Fond de l’Epine.

Après la destruction de Manicourt, Champeau et Ellemont, lors de la retraite des troupes de Sickingen, seul Ellemont renaît de ses ruines. Les habitants des deux premiers villages rejoignent les hauteurs et une église est construite en 1580. Des maisons s’implantent autour de ses murs solides. A partir de la fin du 16ème siècle, l’habitat se regroupe pour former un embryon d’agglomération.

La population n’est pas encore très importante. Sur l’acte de banalité des moulins d’Ellemont (1585), on trouve 18 noms de famille différents. La population augmente petit à petit. Au 17ème siècle, on compte 200 communiants dans la paroisse. Au début du 18ème siècle, Saugrain dénombre 51 feux soit entre 200 et 250 habitants, ce qui recoupe le comptage des communiants. A la fin du siècle, 250 communiants sont répertoriés soit plus de 300 habitants. A la révolution, la population atteint 500 personnes.

La progression a donc été lente, mais significative. Ellemont est devenu à l’aube du 18ème siècle, un vrai village.

Aiglemont au 19ème siècle

Nous avons vu que le village s’est peu à peu agrandi. A la fin du 18ème siècle, il compte environ 500 habitants. En 1820, on dénombre 681 résidents et près de 800 en 1836. C’est le maximum que l’on puisse compter au 19ème siècle, puisque le nombre va ensuite, en diminuant: 746 en 1855, 692 en 1876 et 594 en 1896. Les rues existantes au 18ème siècle, rue de la Haie, rue Qui Glisse, rue Basse et rue de Mézières s’allongent vers Neufmanil, (Cons) La Grandville et Mézières. Elles sont étroites et disposées en quadrillage autour de l’église, elles sont formées en partie de deux ruelles parallèles séparées par de petites constructions: les boutiques servant aux cloutiers. Une enquête de l’an IX (1802) recense 50 cloutiers après la révolution. Ce nombre croît dans la première moitié du 19ème. On compte en 1852, 169 ouvriers (154 hommes, 11 garçons de moins de 15 ans, 2 femmes et 2 jeunes filles de moins de 15 ans) répartis dans plus de 80 boutiques. Ils gagnent en moyenne par jour 1,25 franc (homme), 1 franc (femme et garçon), 0,90 franc (jeune fille). Pratiquement tous les hommes d’Aiglemont travaillent à la boutique, l’activité est rémunératrice. Le samedi soir ou le dimanche matin, les cloutiers vont livrer , c’est-à-dire porter leurs productions aux représentants des maisons de gros de Charleville. Avant 1855, ces derniers livrent les clous à Charleville, Sedan et même à Reims.

Les conditions de travail sont cependant très dures. La boutique, ouverte vers le nord, surchauffée par le foyer, mal aérée est souvent minuscule. L’ouvrier y travaille 6 jours par semaine, courbé sur son enclume, respirant la poussière de charbon, éclairé seulement par la forge. Il subit tantôt la chaleur accablante en été, ou les courants d’air en hiver. Les maladies ne sont pas rares, asthme ou bronchite. De plus, l’alcool n’arrange pas les choses. Le matin, le cloutier accompagne son bol de café noir par de l’eau de vie de prunes, la goutte. En fin de semaine, après la livraison de son travail, il va au café. En 1880, on compte 12 auberges à Aiglemont. On y consomme beaucoup de bière, de la goutte et de l’eau de vie de genièvre, le péquet. Autant dire que la paie du cloutier ne revient pas souvent intacte à la maison… N’oublions pas aussi son fidèle compagnon, le chien chouffleux, qui court pendant 10 heures dans une grande roue en bois, servant à actionner le soufflet de la forge.

La clouterie à main est rudimentaire, même si elle connaît un perfectionnement dès le début du 19ème, la rabatteuse, sorte de machine à estamper la tête du clou. Elle est concurrencée par les premières machines introduites à Charleville par Lolot et Whitacker en 1826. Ces métiers à clous fabriquent jusqu’à 200 unités à la minute à un prix de revient inférieur de près de 15% au coût de la fabrication manuelle. Les cloutiers, déjà touchés par la crise commerciale sous le règne de Louis Philippe (vers 1845), subsistent malgré tout jusqu’à la fin du siècle…

Aiglemont, la fin du 19ème et le début du 20ème siècle

En 1880, la clouterie à main compte encore 70 boutiques. La majorité des hommes du village travaillent encore le fer. Les ouvriers gagnent bien leur vie, jusqu’à 20 francs par semaine. Mais les machines, petit à petit, vont avoir le dernier mot. Le début du 20ème siècle voit la fermeture des dernières boutiques.

Parallèlement, il s’est développé un métier découlant de la clouterie, la ferronnerie. D’abord à la main, elle devient mécanique. Toussaint Gueury travaille depuis longtemps pour l’armement (à partir de 1801). Il fabrique des tire-bourre et des petites pièces pour la Manufacture de Charleville. En 1836, la Manufacture est supprimée. Les héritiers de Toussaint et des ouvriers perpétuent la tradition de la ferronnerie, notamment à la Grande Boutique qui se trouve rue Basse, derrière la mairie actuelle. On y travaille à la main. Le marteau est encore employé, mais ce ne sont plus des clous que l’on forge. Les clouteries disparaissent, et les ouvriers se recyclent. En 1914, il y a une centaine de ferronniers. Phénomène nouveau, une vingtaine d’autres travaillent dans les villages voisins ou à la ville.

Au milieu du 19ème siècle se développe également la fonderie. Pas à Aiglemont, mais nous allons voir la répercussion de ce développement sur le village. En 1848, les frères Corneau créent une fonderie à Charleville et ils emploient peu de temps après 200 ouvriers. En 1853, un des frères vient chasser au nord-est de la commune. Il ramasse une poignée de terre de taupinière et la fait analyser. Il vient de découvrir un excellent sable de fonderie. Les carrières de Ligneul sont ouvertes en 1854. C’est Regnault-Charlier qui tire le sable pour la fonderie Corneau. Il extrait un tombereau par jour, payé 5 francs soit un salaire double de celui d’un très bon cloutier, même s’il reverse 30 centimes par tonne à la commune. D’autres carriers affluent bientôt, les Halin, Michel, Avril… Tous les endroits sont prospectés, des champs et des bois sont exploités, sans grandes précautions. Ligneul, La Croix Là-Haut, la route de La Grandville, le Tarne, les Mottes, tous ces endroits sont mis à sac.

Cette extraction se perpétue jusqu’à la moitié du 20ème siècle. La dernière carrière ouverte se situe route de La Granville. Pol et Gilbert MICHEL ont chargé le dernier camion en 1954.

Cette année là : AIGLEMONT en 1926

Aiglemont comptait 620 habitants, son maire était Jules Guillemin et son adjoint Louis Couvreur. Ils étaient entourés de 10 conseillers municipaux : Messieurs Cordier, Bourgery, Champeaux, Colas, Douce, Nicolle, Dangy, Binet, Remy et Titeux.

L’instituteur était Monsieur Couturier et l’institutrice Madame Tranchart.

Monsieur Hénon était le garde champêtre, le curé de la paroisse le père Bourguin et le secrétaire de mairie Monsieur Couturier. Il y avait aussi une société sportive : « Les Montagnards » dont le président était Monsieur Marcel Magot.

Côté animation, on comptait deux fêtes importantes : la fête communale qui avait lieu le 2ème dimanche de Juillet et la fête patronale, le dimanche après la Toussaint.

En 1926, Aiglemont avait 38 commerces et entreprises. Certains noms ne nous sont pas inconnus. Quelques entreprises de l’époque existent encore aujourd’hui.

5 aubergistes : Pelette, Hamel, Remy, Proveux, Roger.
3 bouchers : Vacherand, Henin, Simonet.
1 boulanger : Marchal.
1 brasseur : Manchon.
4 carriers : Avril, Bailly, Michel, Titeux.
1 couvreur : Pellerin.
4 cultivateurs : Bajot, Delahaut, Michel, Remy.
1 entrepreneur : Schenmetzler-Dardenne.
2 épiciers : Société coopérative, Docks Ardennais.
7 ferronniers : Cordier, Champeaux, Douce, Guillemin, Philippe, Magot, Migeot.
1 maréchal ferrant : Colas.
3 menuisiers : Proveux, Raulin, Titeux.
2 messagers : Avril, Hussenet.
2 plâtriers : Colas-Lurot, Raulin.
1 tabac : Hamel.